Les 7 grandes tendances qui vont transformer la construction

Plus durable et digital : le secteur de la construction et de l’immobilier est à la veille de grands bouleversements. Mais à quoi ressemblera l’avenir de la construction et de l’exploitation des bâtiments ? Smart Infrastructure a identifié sept tendances révélatrices de ce qui attend ce secteur.
01/02/2023
Par Michael Kiy, directeur de la gestion de l’innovation chez Siemens Smart Infrastructure
1. La conception digitale des bâtiments
La conception digitale à l’aide de la modélisation des données du bâtiment (Building Information Modeling, ou BIM) confère aux propriétaires d’immeubles beaucoup plus de contrôle sur leur projet.
Bon nombre d’immeubles modernes sont déjà construits deux fois : tout d’abord sur ordinateur, puis dans le monde physique. La clé qui a ouvert toute grande la porte à l’avenir de la conception de bâtiments est la modélisation des données du bâtiment (BIM), un type de conception assistée par ordinateur (CAO) pour les immeubles.
Grâce à la BIM, ils peuvent effectuer une visite virtuelle de leur bâtiment durant la phase de conception. Et ceci grâce à un modèle virtuel détaillé du bâtiment, un jumeau numérique, fondé sur les données BIM.
Le modèle virtuel permet aux propriétaires d’immeubles d’évaluer différentes variantes de mise en œuvre en 3D et de donner leur avis. Ils peuvent également prendre en compte des facteurs financiers, les coûts de chaque mesure de conception étant enregistrés dans le jumeau numérique. Il est donc facile de voir l’incidence qu’aura telle ou telle modification sur le prix.
En se basant sur les remarques du propriétaire et d’autres parties prenantes, les concepteurs apportent des ajustements au projet, qui peut alors être réexaminé. Ces cycles itératifs sont courts et rentables car les algorithmes allègent considérablement la charge de travail des concepteurs. Si, par exemple, la taille de la pièce est réduite lors de la conception d’un hôpital, un algorithme ajuste automatiquement les murs dans le modèle virtuel en fonction de critères prédéfinis. Il en va de même pour d’autres détails, tels que le nombre et l’emplacement des détecteurs d'incendie. Cela rend la planification plus fiable et plus efficace. Le jumeau numérique offre une conception transparente entre les diverses techniques. Cela permet d’éviter les erreurs, d’optimiser la coordination des techniques, et de fournir à tout moment des informations actualisées sur les coûts. Cette tendance ira en s’accentuant, rendant la conception de bâtiments non seulement plus transparente, mais aussi plus efficace et plus rentable.
2. La collaboration à l’intérieur du digital twin
Instaurer la transparence : dans le jumeau numérique d’un bâtiment, les données provenant de tous les intervenants impliqués dans la construction sont partagées.
Pour profiter de tous les avantages de la conception digitale, les divers intervenants impliqués dans la construction doivent partager leurs données. C’est la seule façon d’instaurer la transparence tout au long du processus de conception et de construction.
Dans le développement logiciel moderne, ces processus sont modélisés sur des plateformes telles que Github ou Gitlab, qui permettent à plusieurs programmeurs de collaborer sur un projet. Le logiciel gère toutes les entrées, et chacun peut voir l’intégralité des modifications.
Toutefois, le secteur de la construction n’en est pas encore là. De nombreuses parties prenantes travaillent encore avec des plans bidimensionnels déconnectés ou déplacent les données BIM vers d’autres systèmes, entraînant d’importantes pertes en matière d’ajustements. La transparence souhaitée sur l’ensemble du processus de conception demeure pour le moment une utopie.
De surcroît, il reste à voir comment cette nouvelle approche peut être utilisée pour contrebalancer les dépenses si les intervenants conçoivent leurs disciplines en collaboration avec d’autres. De nouvelles approches sont nécessaires. Par exemple, le propriétaire de l’immeuble qui bénéficie du jumeau numérique durant l’optimisation de l’exploitation pourrait dédommager les concepteurs qui l’ont créé pour cette valeur ajoutée.
3. La gestion digitale des projets
Une fois que le jumeau numérique du bâtiment est mis en place, la question suivante porte sur l’ordre des étapes de la construction de l’immeuble physique. Aujourd’hui, ce sont les planificateurs de projet qui déterminent leur enchaînement. Celui-ci se fonde sur l’expérience, est généralement imprécis, et est difficile à ajuster si des retards surviennent lors d’une étape intermédiaire.
La numérisation promet des améliorations significatives pour la gestion des projets, avec des gains moyens de 11 % en termes de coûts et de 17 % en termes de délais.
La digitalisation laisse augurer des améliorations spectaculaires pour la gestion de projet. Par exemple, la société américaine Alice Technologies travaille à l’automatisation complète de ce processus. L’ordinateur apprend l’enchaînement idéal des étapes du projet et s’appuie sur les données BIM pour élaborer seul les plans de celui-ci. Ils peuvent être actualisés instantanément en cas de retard quelque part. Cela garantit le choix du meilleur enchaînement possible. Selon l’entreprise, cette solution peut déjà permettre d’économiser en moyenne 11 % des coûts et 17 % du temps lors de la construction.
À l’avenir, la gestion de projet assistée par ordinateur devrait s’affiner encore davantage. Cela pourrait à son tour modifier les modes d’attribution des marchés pour les projets de construction : ainsi, même les petites étapes d’un projet, comme l’installation d’appareils d’ambiance tels que des thermostats, pourraient faire l’objet d’un appel d’offres via une application, sous forme de lots de travaux à un prix prédéfini - de la même façon qu’Uber propose des trajets à ses chauffeurs. Cela donnerait aussi la possibilité à de petits installateurs locaux de participer à des projets de construction. De plus, une application de ce type pourrait permettre d’effectuer le contrôle de la qualité par le biais de commentaires et d’avis.
4. Construire tout en préservant les ressources
La construction de bâtiments exige des ressources considérables et n’est en rien respectueuse du climat : chaque année, environ 4,4 milliards de tonnes de ciment sont produites, libérant à peu près autant de CO2 que 700 centrales à charbon.
Afin de réduire l’empreinte environnementale des bâtiments et des infrastructures, il est primordial d’utiliser les matériaux de construction de manière durable. Premièrement, il faut recycler un plus grand nombre de matériaux de construction. Dans une certaine mesure, c’est déjà ce que l’on est en train de faire aujourd’hui. Par exemple, un voile béton existant n’est plus démoli et reconstruit, mais incorporé dans la conception du nouveau bâtiment, ou réutilisé comme matériau de remplissage. Deuxièmement, il conviendrait d’utiliser plus largement des matériaux de construction alternatifs plus respectueux du climat, comme le bois.
Les nouvelles technologies peuvent également rendre la construction plus économe en ressources. Par exemple, l’impression 3D promet non seulement des processus plus efficaces, mais aussi une réduction massive de l’empreinte environnementale, la fabrication additive pouvant servir à imprimer de nouvelles formes qui utilisent moins de matériaux de construction sans pour autant compromettre la stabilité.
5. Des robots sur le chantier
Une autre tendance déjà visible aujourd’hui est le recours à des robots : les robots de forage de Schindler ou d’Hilti, par exemple, sont déjà utilisés pour percer des trous dans le béton de manière autonome, en fonction des données spécifiées. Des robots sont aussi déjà utilisés pour fabriquer des structures complexes à partir de matériaux de construction alternatifs.
La pression accrue exercée sur les coûts entraînera une plus grande industrialisation de la construction. Grâce aux nouvelles méthodes de fabrication digitale, les composants seront produits individuellement et à la demande. Dans la mesure où davantage d’éléments seront intégrés dans des produits préfabriqués (composants électriques, etc.), le chantier du futur mettra de plus en plus l’accent sur l’assemblage des éléments préfabriqués.
6. L’exploitation du bâtiment basée sur des données
Le chauffage, la climatisation et la production d’eau chaude sanitaire sont les activités qui nécessitent le plus d’énergie pendant la phase d’exploitation d’un bâtiment. Le bâtiment intelligent du futur sera équipé de capteurs et de commandes intelligentes afin de rendre l’exploitation de ses équipements aussi efficace que possible. Il prendra également en compte les habitudes et les besoins des occupants de l’immeuble : il est inutile, par exemple, de chauffer les espaces inoccupés. Le bâtiment intelligent intègre dans son comportement les prévisions météorologiques et la disponibilité d’énergie renouvelable (produite, par exemple, par le système photovoltaïque installé sur le toit).
Les données recueillies dans le bâtiment intelligent peuvent être analysées par des algorithmes en vue d’optimiser la gestion de l’immeuble : lorsque des écarts apparaissent, le gestionnaire des installations est informé, de façon à pouvoir décider des mesures à prendre. Les données seront disponibles sous une forme standardisée, et des applications permettront de les traiter et d’offrir une valeur ajoutée, comme des économies d’énergie. Ces applications pourront être mises à disposition sur un marché virtuel, et les clients pourront choisir celles qui répondent le mieux à leurs besoins.
7. Les véhicules électriques comme solutions de stockage de l’énergie
Charge et décharge : à l’avenir, les voitures électriques pourront servir d’unités de stockage de l’énergie, optimisant ainsi l’utilisation de l’énergie renouvelable.
Dans les bâtiments intelligents, le stockage de l’énergie aura une fonction plus vaste qu’aujourd’hui. Les véhicules électriques joueront un rôle important : en journée, lorsqu’ils sont stationnés au travail, ils reçoivent de l’énergie solaire, par exemple, et sont rechargés. L’énergie stockée peut ensuite être utilisée le soir à la maison. Des systèmes intelligents veillent à ce que la batterie soit encore suffisamment chargée pour retourner au travail le lendemain. Si l’agenda mentionne une réunion plus éloignée, la décharge des batteries du véhicule sera interrompue plus tôt, afin de pouvoir atteindre aisément la destination.
La connexion des données relatives aux consommateurs et à la production d’électricité permet d’optimiser l’utilisation de l’énergie renouvelable et jouera un rôle essentiel pour assurer la pérennité de l’approvisionnement énergétique. Ce type d’optimisation énergétique engendrera de nouveaux modèles commerciaux. Par exemple, l’électricité excédentaire pourrait être vendue à un voisin. Cependant, ces solutions se heurtent actuellement à de sérieux obstacles bureaucratiques et politiques.
Quelles perspectives pour demain ?
Bien que les technologies et les matériaux requis pour rendre le secteur de la construction et de l’immobilier plus durable et plus intelligent existent déjà, la voie de l’avenir de la construction est semée d’embûches. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises ne se sentent pas incitées à s’engager activement dans le changement. Des exigences réglementaires et des structures constituées au fil du temps font en partie entrave au progrès. Et tant que la pression exercée sur les coûts n’est pas suffisamment forte, l’automatisation du secteur de la construction n’avancera pas. Toutefois, à long terme, cette approche ne sera pas viable. Le progrès et la digitalisation l’emporteront, comme l’ont clairement montré les exemples des secteurs de l’imprimerie, de la photographie et de la musique.
La bonne nouvelle, c’est qu’il existe de nombreux moyens de moderniser le secteur de la construction. Les développeurs de logiciels, les start-ups et les technologies avancées peuvent – et vont – révolutionner beaucoup de choses. Ce n’est que le début…
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