Les sous-stations digitales : des maillons indispensables de l’infrastructure énergétique de demain

17-02-2023
La complexité de notre réseau électrique va croissant. L’essor de l’énergie solaire et éolienne, qui tend à remplacer de plus en plus les carburants fossiles, a lancé la transition vers un réseau plus étendu, plus rapide et plus fiable. La digitalisation des sous-stations y participe également. Mais qu’entend-on au juste par « sous-stations digitales » et comment contribuent-elles à rendre les installations électriques moins vulnérables et plus efficaces ? Siemens est partenaire d'un projet test lancé par EnergyVille pour étudier la question. Notre collègue et chef de projet Adrien De Maeijer connaît bien cet environnement de test.
À propos d’EnergyVille
Avec ses 400 chercheurs et ses installations de recherche à la pointe de la technologie, le hub d'innovation EnergyVille fait partie du top européen. Il s’agit d’une collaboration entre des institutions de recherche belges – KU Leuven, VITO, imec et UHasselt – centrée sur l’étude des énergies durables et des systèmes énergétiques intelligents. EnergyVille fédère la recherche, le développement et la formation, en coopération étroite avec des partenaires industriels locaux, régionaux et internationaux, tels que Siemens, et les pouvoirs publics.
« Notre réseau électrique est en pleine mutation », déclare d’emblée Adrien De Maeijer, qui participe au projet de sous-stations digitales (DIGSUB). « Il relie aujourd'hui une nouvelle production d’électricité décentralisée à toute une palette d’utilisateurs finals. C’est donc un réseau très complexe, qui doit garantir des temps de réponse flexibles tout en restant fiable et sûr. La seule solution consiste à digitaliser le réseau. Et les sous-stations, bien entendu : elles constituent les points de connexion du réseau haute tension. »
Comment cela fonctionne-t-il ? « Actuellement, les sous-stations se composent d'une masse de câbles individuels qui servent à transmettre l’ensemble des signaux et des mesures de tous les appareils (transformateurs, disjoncteurs, ...) vers la salle de contrôle. Ces câbles en cuivre font parfois des centaines de mètres. Leur installation prend donc énormément de temps. Et le cuivre est un matériau qui coûte très cher. C’est pourquoi il est intéressant de remplacer ces câbles par de la fibre optique pour relier des appareils qui peuvent être connectés digitalement. Quelques paires de fibres optiques suffisent pour remplacer des centaines de fils. »
Les câbles en cuivre sont dépassés : l’avenir est à la fibre optique.Adrien De Maeijer, ingénieur chef de projet chez Siemens
Des dispositifs placés à proximité des appareils de terrain (des merging units SIPROTEC 5 de Siemens par exemple) peuvent ensuite collecter les informations et les convertir en signaux digitaux utilisables par le centre de contrôle de la sous-station.
Comme la fibre optique s’emploie déjà depuis un bon moment dans toutes sortes d'applications, on pourrait penser que cela n’a rien de bien compliqué. Mais dans le monde de la protection électrique, il s'agit d'une pure innovation, étant donné que les signaux critiques (mesures pour les dispositifs de protection et commandes de coupure) passent désormais par un réseau Ethernet. De ce fait, il faut complètement revoir les architectures télécom et les protocoles de communication pour garantir la fiabilité du système.
Une batterie d’avantages
La digitalisation facilite la gestion de l’énergie pour tous les acteurs concernés. « L'utilisation de signaux digitaux offre beaucoup plus de flexibilité à moindre coût. Il faut moins de hardware, la programmation est bien plus simple et il est possible de capturer nettement plus de données. Or plus les entreprises disposent d'informations sur leur infrastructure, mieux elles sont capables de la gérer. Ces informations permettent de réaliser des simulations, de faire de la maintenance prédictive, etc. »
La digitalisation génère une quantité accrue de données. Cela permet de mieux gérer les sous-stations.Adrien De Maeijer, ingénieur chef de projet chez Siemens
« La digitalisation des sous-stations permet aussi de résoudre les problèmes à distance. Quand on a besoin de données d'une installation électrique, plus besoin d’envoyer quelqu’un sur site : le système est accessible à distance. Ce qui se traduit par un énorme gain de temps et de transparence, et une réduction des coûts opérationnels et de maintenance. »
Le rôle de Siemens
À EnergyVille, plusieurs partenaires, dont font aussi partie BASF et Electrabel par exemple, collaborent pour étudier le futur des sous-stations digitales et élaborer des méthodologies. « La digitalisation des sous-stations permet de réunir plusieurs réseaux en un seul réseau digital », explique Iskender Yesil de Tractebel dans cette vidéo. « DIGSUB nous a appris qu’il était possible, grâce à une meilleure standardisation, de raccourcir certains processus comme l’ingénierie des sous-stations, mais aussi les procédures de test pour le verrouillage et les fonctionnalités générales. »
Nous avons simulé un réseau électrique en temps réel à EnergyVille. Cela nous a appris beaucoup de choses.Adrien De Maeijer, ingénieur chef de projet chez Siemens
Pour Siemens, c’était une occasion unique d’effectuer des tests en conditions réelles. « Le grand avantage d’EnergyVille est son laboratoire et les équipements de simulation qui permettent de créer un environnement de test à la fois réaliste et protégé », poursuit Adrien De Maeijer. « Un des appareils les plus pratiques que nous ayons utilisé est le RTDS, ou Real Time Digital Simulator. Ils nous a permis de simuler un réseau électrique en temps réel et d’étudier l’effet sur notre relais de protection SIPROTEC. Ce type d’environnement digital virtuel est idéal pour tester un nombre très élevé de facteurs dans une sous-station et identifier les erreurs. »
Sous-stations digitales et énergie offshore
Les sous-stations digitales sont aussi intéressantes pour gérer l’énergie offshore, un thème qui devient de plus en plus actuel aujourd'hui – voyez le projet Ventilus dont on a beaucoup parlé ces derniers temps ou la première île énergétique artificielle « Princesse Elisabeth » d’Elia.
« Les sous-stations terrestres sont encore assez faciles à entretenir. Mais celles qui sont en mer ? Si un problème technique se pose dans une installation de ce type, il faut envoyer quelqu'un par bateau pour réaliser la maintenance et les réparations. Il est intéressant aussi, dans ce cas, de pouvoir digitaliser et gérer l’énergie à distance. C’est ce que nous étudierons avec le nouveau projet DIGSUB 2. »
Mais la première étape consiste à consolider les avancées réalisées avec DIGSUB 1. « Nous n’allons évidemment pas démolir toutes les sous-stations existantes pour installer des versions digitales. Ce n’est pas faisable. Mais lors de la construction de nouvelles sous-stations, ou à l’occasion de réparations, nous pouvons examiner la possibilité de passer au digital. »
La formation des opérateurs, ingénieurs et techniciens est essentielle pour gérer des sous-stations digitales.Adrien De Maeijer, ingénieur chef de projet chez Siemens
Enfin, il reste un dernier défi à surmonter pour permettre un véritable décollage des sous-stations digitales : la formation. « Opérateurs, ingénieurs de maintenance, techniciens : tous doivent prendre le train en marche. Et acquérir beaucoup de connaissances nouvelles sur les systèmes énergétiques, l’ICT et même la cybersécurité, puisqu'il s’agit ici de transferts de données. Cela nécessite de sérieux investissements. Mais les possibilités nous semblent très prometteuses : un meilleur réseau électrique profitera à tout le monde. »
Abonnez-vous à notre newsletter
Restez informé – abonnez-vous ici à la newsletter