13/09/2022
Le monde de demain devra être neutre en carbone, libéré des énergies fossiles ou du nucléaire, et exploiter les énergies renouvelables. Certes, rendre une usine, une ville ou un pays neutre en carbone est un processus long et onéreux. « L’énergie doit être disponible en quantité suffisante à tout moment, y compris lors de la phase de transition pour adapter l’infrastructure. Dans le même temps, il faut maintenir la compétitivité, et même mieux, la booster, » déclare Franz Mende, directeur de l’usine Siemens d’Amberg, en Allemagne. « Nous améliorons progressivement notre efficacité énergétique depuis de nombreuses années, mais la neutralité carbone pose un défi bien plus grand. Il s’agit de prendre les bonnes mesures, dans le bon ordre. C’est plus compliqué que cela en a l’air au départ. C’est pourquoi nous collaborons avec des collègues des divisions Smart Infrastructure, Real Estate, et Technology de Siemens ainsi qu’avec l’université des sciences appliquées OTH Amberg-Weiden pour chiffrer notre programme de décarbonation. »
Franz Mende, directeur de l’usine Siemens AG d’Amberg
Un objectif ambitieux à Amberg
Le site d’Amberg est l’un des plus modernes de Siemens. Deux usines distinctes, l’une dédiée à l’électronique et l’autre aux appareils, conçoivent et fabriquent des produits pour le marché mondial allant du contrôleur SIMATIC aux appareillages industriels tels que SIRIUS. Clients et partenaires peuvent découvrir l’univers Siemens dans « The Impulse », le centre de visite inauguré en 2021, où les technologies digitales, les concepts et les solutions d’automatisation pour l’usine autonome sont développés et présentés.
L’objectif du site d’Amberg est d’atteindre la neutralité carbone en neuf ans, à compter de 2021. Cela implique de passer des énergies fossiles aux énergies durables. Comme l’usine existe déjà – les experts parlent de « brownfield », par opposition à « greenfield », où l’on part de zéro –, sa conversion est particulièrement difficile car la transition énergétique ne peut restreindre ni l’exploitation, ni la productivité.
Mais Amberg n’en est pas à son coup d’essai en matière d’économies d’énergie. Le site met en place des mesures d’efficacité énergétique depuis 2004, par exemple :
- Energy Analytics pour la collecte de données sur l’énergie
- système de management de l’énergie selon la norme DIN ISO 50001
- installation de deux centrales de cogénération
- achat d’électricité verte issue de l’énergie hydraulique
- implémentation de deux unités de refroidissement eChiller.
L’impact est clairement mesurable et Amberg contribue de manière significative à la réussite de la décarbonation de Siemens. En 2020, les émissions de CO2 des usines du groupe dans le monde avaient déjà été réduites d’environ 50 %.
Se projeter dans les années à venir – sans risque
« Des facteurs tels que la géographie, les prix de l’énergie ou les particularités d’une usine déterminent la meilleure démarche pour chaque cas, » explique Martin Kautz de Siemens Technology. « Les mauvaises décisions peuvent coûter cher et compromettre le succès d’un projet. Nous avons développé une solution logicielle pour simuler le dimensionnement et le fonctionnement optimal de ces systèmes énergétiques multimodaux, c’est-à-dire les environnements dans lesquels différents types d’énergie interagissent. Cela nous permet d’estimer plusieurs années à l’avance ce qui se passera dans certaines conditions si nous apportons des modifications à ce système énergétique. À partir de cette base, nous calculons le programme de décarbonation optimal sur le plan à la fois technologique et économique. Cette méthode peut être appliquée à des régions entières comme une ville ou, en l’occurrence, à des usines individuelles. »
Martin Kautz, ingénieur en systèmes énergétiques, recherche centrale chez Siemens AG
Le digital twin vert
Lors de la première étape, Martin Kautz et ses collègues analysent l’état réel des systèmes électrique, de chauffage et de refroidissement, puis le reproduisent sous forme de modèle mathématique appelé « digital twin ». « La qualité de ce jumeau digital détermine le réalisme des résultats de la simulation. Il est essentiel que nous connaissions précisément les détails pertinents de l’usine et des produits qui y sont fabriqués, » note M. Kautz. « Par exemple, si certains fours d’une usine doivent fonctionner au gaz, cela doit être pris en compte dans le programme de décarbonation et défini dans le digital twin. C’est pourquoi nous travaillons en très étroite collaboration avec les experts sur site pour la modélisation, en l’occurrence avec les collègues Siemens à Amberg. »
« Très souvent, il est déjà possible d’économiser de l’énergie en utilisant le digital twin pour analyser et optimiser le statut réel des étapes de processus. Par exemple, nous sommes en mesure de détecter des situations où les systèmes de chauffage et de refroidissement fonctionnent en opposition, » souligne M. Kautz. « Même si cet exemple peut sembler trivial, on peut facilement passer à côté de ces types de défauts de processus sans une analyse détaillée comme celle qu’exige la simulation. »

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Envisager tous les scénarios de transition énergétique
L’optimisation des processus constitue la première étape. Ensuite, le logiciel de simulation calcule les modifications technologiques réalisables et abordables capables de rendre l’usine neutre en carbone. « Nous intégrons à notre digital twin toutes les sources d’énergies renouvelables possibles pour nous, » ajoute M. Kautz. « Par exemple, l’une de ces mesures consisterait à équiper l'intégralité de la toiture de panneaux solaires. Nous saisissons alors le coût de ce type d'installation, le délai de réalisation et la puissance attendue dans le modèle. Le logiciel de simulation calcule ensuite la séquence de mesures la plus rentable pour rendre l’usine neutre en carbone. » Pour le site d’Amberg, par exemple, l’installation de panneaux solaires combinés à une pompe à chaleur est la solution qui offre le plus grand potentiel de réduction des émissions de carbone.
Souvent, on ne peut qu’estimer les chiffres clés des mesures, tels que les prix de l’énergie dans les années à venir ou l’évolution des émissions de CO2. « Nous établissons divers scénarios qui représentent par exemple l’évolution des prix de l’énergie et nous les simulons séparément. C’est très rapide, il suffit d’ajuster quelques paramètres du digital twin, » commente M. Kautz. « On obtient ainsi plusieurs programmes de décarbonation, chacun étant optimal dans certaines conditions. La direction du site peut alors décider le scénario le plus probable selon elle et le programme qu’elle souhaite suivre. »
Mais le processus ne s’arrête pas là. Une fois les premières mesures de mise en œuvre appliquées et pendant les premières années d’exploitation, le digital twin peut facilement être réactualisé à volonté et la validité du programme vérifiée en permanence.
Le programme de décarbonation d’Amberg
L’usine d’Amberg, qui a émis environ 6,8 tonnes de CO2 au cours de l’exercice de référence 2018/2019, poursuit sa décarbonation. « Nous nous sommes d’abord concentrés sur les mesures individuelles, en examinant la rentabilité de chacune d’elles, afin de réduire notre empreinte carbone. Nous avons optimisé l’efficacité énergétique de nos processus et nous nous approvisionnons désormais en électricité verte, c’est-à-dire zéro carbone, auprès de notre fournisseur, » explique Franz Mende. « Pour la prochaine étape vers la neutralité carbone, nous adoptons une démarche globale et agile. Il est important de s’adapter en permanence aux changements de conditions. Nous prévoyons entre autres de poser des panneaux solaires sur de grandes sections de toit. Même si cela n’améliore pas davantage notre bilan carbone – moins que zéro est toujours égal à zéro – notre énergie sera moins chère et nous gagnerons en indépendance. C’est pourquoi nous préférerions un PPA (Power Purchase Agreement), idéalement avec un opérateur local. »
De plus, le chauffage au gaz sera remplacé dans quelques années par une pompe à chaleur, qui présentera une efficacité optimale grâce à une combinaison ingénieuse avec le système de refroidissement. Cependant, Amberg ne peut pas renoncer totalement au gaz en raison de ses fours de recuit, nécessaires pour le traitement des pièces en métal, qui continueront à fonctionner encore quelques années. « Nous prévoyons de passer du gaz naturel au biométhane. En parallèle, nous étudions dans quelle mesure nous pourrions remplacer le gaz naturel par l’hydrogène. Nous partons du principe que nous atteindrons la neutralité carbone totale d’ici 2030, sans devoir acheter de la flexibilité par le biais de crédits carbone, » affirme Franz Mende.
Le « Siemens Carbon Neutral Program »
Amberg n’est pas un cas isolé. Quelque 50 sites de production Siemens œuvrent actuellement afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici quelques années, notamment aux États-Unis, au Canada, en Europe, en Inde et en Chine. Ces futures « usines vertes » feront bien plus qu’appliquer simplement des mesures d’efficacité énergétique. Outre la possibilité d'une procédure normalisée, le Siemens carbon neutral program propose de nouveaux modèles de financement, l’électrification de la production, l’achat d’électricité verte et l’instauration de nouveaux modèles économiques. Il prend également en compte l’influence du cadre politique, y compris les crédits carbone et leurs prix, les lois incitatives et la taxation des sources d’énergies renouvelables.
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