Avez-vous souvent l’occasion d’échanger avec votre CEO ? Vous savez, ce « VIP », cet être pas tout à fait comme les autres et pas franchement accessible, qui, dans la plupart des grandes entreprises s’adresse à vous par le biais de courriels, lettres, vidéos ou podcasts (comme chez Siemens). Des informations intéressantes certes, mais peut-on vraiment parler d’échanges ?
« Figurez-vous, qu’il y a quelques jours, ma vie a basculé... »
Frank Balligand, directeur bureau d'étude commercial Siemens Smart Infrastructure à Saint-Priest, nous livre son expérience de son job shadowing.
« C’est comme si j’avais gagné au loto ! »
Roland Busch m’a invité à le rejoindre pour une expérience de « job shadowing » ou journée d’observation. Bien décidé à me consacrer de son temps très précieux, Roland me propose de passer du temps avec lui et son équipe, dans le but de contempler Siemens à travers le regard d’un Chief Executive Officer. Evidemment, ce jour allait devenir le plus mémorable de ma carrière professionnelle et j’ai couru le dire à ma femme « Chérie, nous n’avons pas gagné au loto, mais c’est tout comme ! »
Néanmoins, passé la surprise et la fierté, le doute m’assaille. Mais pourquoi moi ? J’évolue au sein d’une équipe mondiale de 290 000 collaborateurs, dont presque 6 000 rien que pour Siemens France ! Alors comment Roland a-t-il bien pu me repérer parmi tous mes collègues, tout aussi dignes de mériter son attention ?
Eh bien, je vais vous le dire. J’ai répondu à une question toute simple. Lors d’un de ses podcasts, Roland a demandé à ses auditeurs de lui faire part de leur avis sur la thématique suivante : « Comment faire pour réussir sa carrière ? » Donner des conseils à son CEO en matière de réussite professionnelle, c’est un peu gonflé, vous ne trouvez pas ?
Finalement, pas tant que cela pour notre CEO, qui, après avoir sélectionné les conseils qu’il a estimé les plus judicieux, a invité ces « téméraires conseillers » à passer toute une journée avec lui.
Doucement la réalité s’installe
Le véritable leader est celui qui grandit en faisant grandir les autres.
J'avais complètement oublié le concours, jusqu'à ce que, dans l'épisode suivant, j'entende mon prénom : Frank. Je me suis dit : « Bon, ne t’emballe pas, il y a beaucoup de Frank chez Siemens. Qui est ce « petit veinard » de Frank qui va faire du job shadowing avec Roland Busch ? Hmmm ??? »
Quand Roland a précisé : "Frank de France… de Smart Infrastructure". « Tiens, donc, un français, chez Smart Infrastructure ? Qui s’appelle Frank ? Mais quand j'ai enfin entendu mon nom de famille, je n'y croyais toujours pas. J'ai rejoué le podcast plusieurs fois, jusqu'à ce que je réalise vraiment : j’allais passer une journée entière avec le CEO de Siemens !
Le Grand Jour a commencé par un tête-à-tête d'une demi-heure. Mon CEO était curieux de connaître mes différentes expériences dans les entreprises, françaises et américaines, pour lesquelles j’avais travaillé. Il attendait également mes suggestions sur la façon de motiver plus efficacement nos équipes de vente. Ma recommandation fut la suivante : les récompenser plus souvent. Pas une ou deux primes par an, mais trois ou quatre. Nous ne devons pas nécessairement verser plus, mais plus souvent. Première grande surprise de la journée : Roland a tout de suite trouvé l’idée digne d’intérêt et l’a placée en tête de ses priorités.
Des collaborateurs responsabilisés : quelle leçon pour moi ?
La deuxième surprise a été le jour fixe avec la CEO de Siemens US, Barbara Humpton. Celle-ci et Roland discutaient de l'amélioration de la compétitivité et de la rentabilité. Barbara a rapporté les suggestions de ses collègues américains à Roland qui lui a répondu : "Je peux vous aider en matière d'évaluation comparative. Je peux vous donner des conseils basés sur ma propre expérience. Mais laissez-moi vous dire que je vous fais entièrement confiance pour trouver les bons leviers – vous savez mieux que quiconque ce dont nous avons besoin localement". Puissante leçon d'autonomisation s’il en est et qui a déclenché un grand éclat de rire de la part de Barbara : "Je savais que tu allais dire ça, Roland."
Je peux vous aider en matière d'évaluation comparative. Je peux vous donner des conseils basés sur ma propre expérience. Mais laissez-moi vous dire que je vous fais entièrement confiance pour trouver les bons leviers – vous savez mieux que quiconque ce dont nous avons besoin localement.Roland Busch, CEO Siemens AG
A la fin de cette mémorable journée, après huit réunions en ligne, je me suis posé la question : « En quoi cette expérience m'a-t-elle changé ? Le temps nous le dira. J'ai appris à connaître l’esprit de croissance et à quel point l'autonomisation peut être forte - il s'agit de changer les comportements et les habitudes. Certes, cela prend du temps. Mais le lendemain du stage d'observation, j'ai déjà remarqué un léger changement. Une vague impatience avait grandi en moi. Nous voyons tous le besoin de changement autour de nous, la plupart du temps. Parfois de petites choses, parfois de grandes choses. Mais combien de fois nous arrêtons-nous simplement de faire ce que nous avons l’habitude de faire, et passons-nous à l'action pour vraiment faire évoluer ces choses ?
Le lendemain : les travaux pratiques commencent
Que s’est-il passé le lendemain de cette rencontre avec Roland Busch, lorsque je suis retourné à mon travail quotidien ? Mon équipe établit des devis pour la vente Smart Infrastructure : tout ce qui concerne la détection incendie, le confort et la sécurité. Les devis importants peuvent atteindre des millions d'euros, les petits devis, parfois moins de 10 000 euros. Nous avons un processus solide pour produire ces cotations. Le problème : nous les traitons toutes de la même manière. Un devis de 500 000 euros suit le même processus qu'un devis de 5 000 euros. C'est lent, c'est lourd pour les petites commandes, et nous le savons depuis un certain temps, sans pour autant avoir pris une quelconque initiative pour y remédier.
Alors, pas une minute à perdre ! Nous allons changer le logiciel pour les petites commandes, accélérer les choses pour nos vendeurs et leurs clients - et générer ainsi beaucoup plus de « petits devis » dans le même temps imparti. Dix pour cent de gain de productivité, c'est mon objectif. Et cerise sur le devis : nous n’allons pas polluer la planète avec tout un tas d’emails pour demander la permission. Nous allons simplement le faire. C'est la leçon que j'ai tirée d'une journée avec Roland sur l'autonomisation.
« What else » ? En communiquant avec Roland, j'ai appris à connaître l’être humain, pas seulement le CEO. Ses questions, la façon dont il montre son intérêt, son côté émotionnel qui se manifeste lors des tête-à-tête. Alors voilà que je me pose cette question : « Qui parmi mes collègues ai-je envie de mieux connaître ? » Nul besoin d'un "billet de loterie" cette fois. Je décroche simplement le téléphone ou j'invite « l’heureux élu » à une vidéoconférence. C’est mon petit pas du jour pour l’humanité.
Je suis heureux que Roland ne se soit pas contenté de demander des conseils mais qu’il ait l’intention de les suivre. C’est en faisant grandir les autres, qu’on évolue soi-même. C’est aussi simple que cela.
18/02/2021
Frank Balligand