L’approvisionnement en énergie fait peau neuve aux îles Galapagos.

Une électricité propre issue des énergies renouvelables pour alimenter un site naturel inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Siemens a permis au gouvernement équatorien de résoudre un problème environnemental épineux aux îles Galapagos. La réserve de biosphère risquait de perdre son inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Siemens a développé une centrale électrique hybride alimentée par des énergies renouvelables. Cette centrale pourrait faire figure de modèle en matière de production d’électricité propre pour les décennies à venir.

 

Par Chris Kraul 

Sur l’île Isabela, la plus grande des 21 îles du parc national des Galapagos, le système d’alimentation en électricité était auparavant très polluant. Il a donc fallu trouver une solution pour le remplacer. Chaque année, l’île constitue, pour des dizaines de milliers de touristes venus du monde entier, le point de départ pour des excursions en bateau à la découverte de l’archipel et de sa faune mirifique. Jusqu’en octobre, les hôtels et restaurants de l’île ainsi que les 2 500 résidents permanents étaient jusqu’à présent alimentés en électricité par une centrale au diesel, aussi bruyante que polluante.

Pour les experts de l’UNESCO, la pollution de l’air n’était pas le seul point noir de la centrale. L’approvisionnement en combustible par bateau sur une distance d’environ 1 000 km depuis le continent américain faisait courir le risque de pollution des côtes. Au cours des dernières années, deux incidents avaient d’ailleurs entraîné une pollution par le fioul d’une partie du littoral et mis en péril l’écosystème fragile de l’île. L’Organisation des Nations unies pour l’Éducation, la Science et la Culture avait alors menacé l’Équateur de lui retirer la précieuse inscription au patrimoine mondial des îles Galapagos si une solution d’approvisionnement en énergie plus respectueuse de l’environnement n’était pas mise en place.

Avec le soutien du gouvernement allemand, l’Équateur a alors invité plusieurs entreprises opérant dans le domaine de l’énergie à lui soumettre un projet de centrale pour la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables. En raison des contraintes techniques et logistiques, construire et entretenir un tel système sur une île éloignée constituaient un véritable défi. Au final, Siemens fut le seul soumissionnaire. La solution proposée : une centrale électrique hybride combinant énergie solaire et biocarburant produit à base d’une noix, à l’époque encore relativement méconnue.

Des installations de taille réduite pour assurer la durabilité du site

Avec une puissance maximale de 1,2 MW, la centrale imaginée par Siemens affichait une capacité extrêmement réduite par rapport aux centrales que l’entreprise a l’habitude de concevoir. Ainsi, à titre d’exemple, parmi les centrales électriques mises en service par Siemens au cours de l’année, on compte trois unités en Égypte capables de produire au total 14 400 MW.

 

Pour Sajjad Khan, directeur du projet de Siemens aux Galapagos, la taille n’était toutefois pas le problème principal. L’entreprise s’est davantage concentrée sur les défis logistiques que représente la réalisation d’un tel projet sur une île comme Isabela, mais aussi sur l’importance de la préservation d’un écosystème unique pour les générations à venir, et sur la technologie de rupture mise en œuvre pour ce système hybride dans le cadre de l’engagement de Siemens pour un monde durable. « Nous avons décidé d’investir dans cette technologie, car nous croyons fermement dans la pertinence des principes du développement durable. Ce projet repose à 100 % sur des énergies renouvelables », explique Sajjad Khan. « Il combine l’énergie solaire produite par intermittence à une source d’énergie renouvelable complémentaire capable de prendre le relais. Cette centrale préfigure de futurs projets qui utiliseront une technologie hybride similaire », poursuit Sajjad Khan.

La technologie de centrale hybride alimentée en énergies renouvelables repose sur trois composantes : un parc solaire de 952 kW comportant au total 3 024 panneaux photovoltaïques, une unité de production d’électricité de 1 625 kW alimentée en biodiesel, avec cinq génératrices produisant 325 kW chacune, et un système de stockage par batteries fournissant au besoin 660 kW supplémentaires sans délai. Les interactions entre ces différentes composantes sont surveillées par un système de contrôle-commande intelligent unique au monde mis en œuvre pour la première fois par Siemens sur l’île Isabela. Ce système se compose d’un logiciel propriétaire permettant notamment de gérer les flux d’énergie circulant depuis et vers les batteries.

Un nouveau biocarburant

La centrale est en exploitation depuis octobre. La mise en service a eu lieu après des batteries de tests sur des projets pilotes en Équateur et sur une maquette en Allemagne. La construction de la centrale, qui a nécessité 600 tonnes de machinerie et de matériaux de construction, n’a pas été chose aisée. L’absence de quais et d’installations de débarquement permettant aux navires d’accoster n’a pas facilité l’avancement du chantier.

 

La nouvelle centrale hybride a d’ores et déjà produit de nombreux effets bénéfiques sur l’environnement. En évitant la combustion de 33 000 litres de diesel par mois par rapport au volume de carburant consommé par l’ancienne centrale, la nouvelle centrale a permis, depuis le mois d’octobre, d’éviter le rejet de 88 tonnes de COdans l’atmosphère. En outre, la centrale est bien moins bruyante que l’ancienne installation. Le niveau sonore de la centrale en fonctionnement est inférieur de 30 décibels, une différence comparable à celle entre le bruit émis par une disqueuse et celui d’une conversation à voix basse. Le système bénéficie en outre d’une disponibilité de 99 % et se distingue par sa fiabilité élevée.

Nous avons décidé d’investir dans cette technologie, car nous croyons fermement dans la pertinence des principes du développement durable.
Sajjad Khan, directeur du projet de Siemens aux Galapagos

Le biodiesel utilisé par la centrale est produit à partir de la graine du Jatropha curcas, aussi appelée noix des Barbades. Cette noix, que l’on trouve principalement dans les régions tropicales de nombreux pays d’Amérique du Sud, dont l’Équateur, a une teneur en huile de 40 %. Cette huile peut être transformée en biodiesel de qualité. Au début du projet, le carburant obtenu à partir de cette noix n’était pas encore très connu. 5 000 litres ont donc été expédiés en Allemagne pour réaliser des tests. Le système complet a été testé pendant six semaines sur une maquette près de Hambourg, afin de s’assurer que la centrale fonctionnerait correctement avec ce type de biocarburant.

 

L’approvisionnement en énergie de l’île dépend exclusivement de la nouvelle centrale hybride. Il importait donc de garantir une fiabilité maximale. La mise en service s’est déroulée sans accroc. Grâce aux importants travaux de recherche et développement ainsi qu’aux tests approfondis menés par les équipes de Siemens, l’entreprise a pu garantir la performance de la centrale hybride. La centrale est télésurveillée depuis Austin (Texas) et Munich (Allemagne), ce qui permet aux opérateurs locaux de bénéficier de l’expertise Siemens en matière de production d’énergie.

Une usine de transformation des noix a été construite dans la région côtière équatorienne de Manabi. Les membres d’une coopérative locale y produisent le biocarburant destiné à alimenter la nouvelle centrale d’Isabela. Contrairement aux combustibles fossiles, ce biocarburant se dégrade rapidement, limitant ainsi les risques lors du transport en mer.

 

Résultat : une centrale unique au monde, dont la production quotidienne excède les besoins actuels de l’île. L’électricité produite par les installations photovoltaïques qui n’est pas injectée dans le réseau est stockée dans un système de batteries, ce qui permet d’arrêter complètement les génératrices diesel et d’assurer la stabilité de l’approvisionnement en énergie dans la journée. Les génératrices prennent le relais dès que le ciel se couvre.

Un modèle pour les petites installations hybrides

Pour Siemens, cette installation sur l’île d’Isabela préfigure de futurs projets. D’autres îles de l’archipel des Galapagos pourraient être équipées, et Isabela, dont la consommation en électricité augmente chaque année de 5 à 10 %, pourrait prochainement agrandir sa nouvelle centrale hybride.

 

En dehors de l’Équateur, les îles des Caraïbes et du Pacifique représentent un immense marché potentiel. Ces îles font face aux mêmes enjeux environnementaux et énergétiques que les îles des Galapagos. Certaines villes situées dans la jungle pourraient également recourir à de telles installations électriques. Elles pourraient également être utiles dans le cadre de projets miniers à grande échelle, et partout où l’on utilise du diesel très polluant pour produire de l’électricité.

30-11-2018

Chris Kraul est un journaliste indépendant basé à Bogota, en Colombie.

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